DU SILENCE ET DES OMBRES

TO KILL A MOCKINGBIRD

ROBERT MULLIGAN drame / USA / 2H09
Date de production : 25 décembre 1962
Date de sortie : 7 juillet 2010
Visa : 27104

NOIR ET BLANC

EQUIPE TECHNIQUE

Produit par Alan J.Pakula et Robert Mulligan – Brentwood Productions
Chargé de production Universal : Edward Muhl
Scénario et adaptation : Horton Foote
D'après Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur, roman de Harper Lee (Le Livre de Poche)
Directeur de la photographie : Russell Harlan
Directeur artistique : Henry Bumstead / Décors : Oliver Emert
Costumes : Rosemary Odell / Maquillages : Bud Westmore / Coiffures : Larry Germain
Son : Waldon O.Watson et Corson Jowett / Monteur : Aaron Stell
Musique : Elmer Bernstein / Conception Générique : Stephen Frankfurt

EQUIPE ARTISTIQUE

Atticus Finch : Gregory Peck
Scout (Jean Louise) Finch : Mary Badham
Jem Finch : Phillip Alford
Dill (Charles Baker) Harris : John Megna
Le Sheriff Heck Tate : Frank Overton
Calpurnia : Estelle Evans
Tom Robinson : Brock Peters
Boo (Arthur) Radley : Robert Duvall
Bob Ewell : James Anderson
Mayella Ewell : Collin Wilcox Paxton
Miss Maudie Atkinson : Rosemary Murphy
Mrs. Dubose : Ruth White
Le Juge Taylor : Paul Fix
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HISTOIRE

En 1932, dans la petite ville de Maycomb (Alabama), Atticus Finch avocat, veuf, élève ses deux enfants, Scout, âgée de six ans, et Jem, âgé de dix ans. Calpurnia, la gouvernante noire tient la maison. Le petit Dill Harris, âgé de six ans, voisin de la famille Finch, est fasciné par les récits de Jem qui lui parle sans cesse de la « maison hantée » où habite leur mystérieux voisin Boo Radley. Un jour, Bob Ewell, un fermier ivrogne, accuse Tom Robinson, un ouvrier noir d’avoir tenté d’abuser de sa fille, Mayella. Atticus Finch va se charger de sa défense…

AUTOUR DU FILM

TO KILL A MOCKINGBIRD L’ADAPTATION D’UN ROMAN CULTE

«Les avocats n’ont-ils pas commencé par être des enfants ?»
Charles Lamb (1775-1834) poète et essayiste anglais, citation mise en exergue

  • film2_image2 Couverture première édition
du roman de Harper Lee Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur (Éditions Le Livre de Poche)
Du silence et des ombres ou plutôt To Kill a Mockingbird, film de Robert Mulligan de 1962 est l’adaptation cinématographique du roman éponyme de Harper Lee publié en 1960.
L’accueil de la critique américaine est d’abord défavorable. Elle trouve le livre mal construit, trop sentimental et rempli de clichés sur le Sud. Par contre le public s’enthousiasme tout de suite et après quatre tirages en un an, des centaines de milliers d’exemplaires sont déjà vendus. Le roman reste 80 semaines dans la liste des best-sellers du New York Times.
L’année suivante, en 1961, Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur (titre français du roman) reçoit le prix Pulitzer. Harper Lee rejoint d’illustres lauréats comme Edith Wharton pour Le Temps de l’innocence (1921), Margaret Mitchell pour Autant en emporte le vent (1937), John Steinbeck pour Les Raisins de la colère (1940), Ernest Hemingway pour Le Vieil homme et la mer (1953) ou William Faulkner pour Parabole (1955). L’année suivante, en 1962, malgré ce prix et l’engouement des lecteurs, les studios hollywoodiens ne semblent pas vouloir acheter les droits d’un livre, sans histoire d’amour, manquant d’action et dont le méchant n’est pas puni d’emblée. Le jeune producteur, Alan J. Pakula décide de produire l’adaptation cinématographique du roman et d’en confier la réalisation à Robert Mulligan. Les deux hommes se connaissent déjà et ont fait leurs premières armes ensemble en 1957 au studio Paramount, sur leur premier film respectif : Prisonnier de la peur. Vendu maintenant à plus de quatre millions d’exemplaires, il s’agit pour eux de ne pas décevoir les lecteurs du roman. Le premier souci d’Alan Pakula est de rester fidèle au sujet et à l’esprit du livre. Pour l’adapter il fait appel à Horton Foote que Mulligan a déjà rencontré sur des dramatiques télévisées.
L’intention première du producteur est de tourner l’œuvre de la romancière dans les décors naturels d’Alabama décrits dans son livre, mais Pakula doit se rendre à l’évidence : les petites villes américaines de 1962, avec leurs rues pavées, les antennes de télévision et les chaînes de magasin, ne ressemblent plus à celles des années 30. Le seul moyen de restituer fidèlement Maycomb telle que l’a imaginée Harper Lee (d’après Monroeville, la ville où elle a grandi, située entre Mobile et Montgomery), est de la construire dans les studios d’extérieurs d’Universal. La récompense pour Pakula sera la remarque de Harper Lee lors de sa visite sur le plateau : « Cette ville est tellement parfaite que les gens vont sûrement croire que vous avez tourné en extérieurs réels ».

Les choix du studio pour incarner Atticus Finch (le personnage d’avocat inspiré du père de Harper Lee) sont : Rock Hudson (présent dans les deux derniers films de Mulligan, Le Rendez-vous de septembre et L’homme de Bornéo, aussi produits par Universal) et James Stewart qui refuse le rôle trouvant le script trop libéral et craint de participer à un film trop controversé. Pakula et Mulligan envoient le script à Gregory Peck qui le lit dans la nuit et accepte le rôle. Pour s’y préparer, il rencontre Amasa Lee (le père de la romancière) âgé de 82 ans et lui emprunte quelques tics remarqués sur le « vrai » Atticus comme le fait de tripoter sa montre gousset accrochée par une chaîne à son gilet. Pour le tournage Gregory Peck utilisa un
accessoire mais se vit offrir des mains de Harper Lee la vraie montre de son père, mort peu avant la sortie du film. Au premier jour de visite sur le plateau, Harper Lee pleura, en découvrant Gregory Peck si ressemblant et lui confia qu’il avait la même petite « bedaine » que son père. Après un vif succès à sa sortie, l’année suivante, en 1963, le film remporte plusieurs Golden Globe et trois Oscars, dont celui de meilleur acteur pour Gregory Peck. Du silence et des ombres, Les Oiseaux et Qu’est-il arrivé à Baby Jane ? représentent les Etats-Unis au Festival de Cannes mais la palme d’or revient au Guépard de Luchino Visconti. Le film de Robert Mulligan obtient malgré tout et à l’unanimité le Prix Gary Cooper (créé en 1961 pour reconnaître la valeur humaine du sujet traité par un film). Dans Conversation avec Gregory Peck (1999) documentaire dans lequel Barbara Kopple suit le comédien au cours de conférences-débats avec le public, dans plusieurs villes des Etats-Unis, il avoue que de tous ses rôles et de tous ses films, Atticus Finch et Du silence et des ombres demeure son préféré. En 2003 (deux semaines avant sa mort), l’American Film Institute désigne Atticus Finch comme le plus grand héros de l'histoire du cinéma (dans un classement de 100 héros, Gregory Peck arrive devant Indiana Jones, James Bond, Humphrey Bogart dans Casablanca et Gary Cooper dans Le Train sifflera trois fois). Pour mesurer l’importance du roman il faut savoir que Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur a été vendu à 30 millions d’exemplaires depuis sa première parution et qu’un million de livres continuent d’être vendus chaque année. Il a été traduit en quarante langues et n’a jamais été épuisé depuis sa sortie. Il est l’un des dix livres les plus fréquemment étudiés dans les classes américaines. Une étude de 1991 montre qu’après la Bible, c’est l’ouvrage le plus souvent cité comme ayant changé la vie de ses lecteurs.
En France, le roman a la particularité d’avoir été publié sous trois titres successifs, au gré de ses différentes traductions et maison d’édition.
D’abord Quand meurt le rossignol (traduction Germaine Béraud, éditions Le Livre contemporain, Paris 1961) puis Alouette, je te plumerai (traduction Isabelle Stoïanov, éditions Julliard, Paris 1989) et enfin, et plus fidèlement : Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur (traduction revue et postface d’Isabelle Hausser éditions Le Fallois, Paris 2005, puis Librairie générale de France, collection Le Livre de poche, Paris 2006).
  • film2_image3 Gregory Peck et Harper Lee autour du scénario accessoire
  • ne tirez pas sur loiseau moqueur livre de poche
  • film2_image2 Mary Badham et l'oiseau moqueur
A sa sortie française, après sa présentation au Festival de Cannes en mai 1963, le titre du film eût le même souci de traduction. Le titre orignal du roman et du film To Kill a Mockingbird fut cette fois traduit (adapté) par Du silence et des ombres. L’explication du titre est délivrée dans le livre comme dans le film. Le titre vient d’un proverbe américain : « It’s a sin to kill a mockingbird» (c’est un péché de tuer un oiseau moqueur). Selon la légende, l’oiseau moqueur est un oiseau qui aurait appris aux autres à chanter. Il pourrait chanter trente-neuf chants et imiter de nombreux sons (d’où aussi son appellation française de mime polyglotte).
Dans le roman, Atticus Finch évoque ce proverbe à ses enfants. Il raconte que petit, on lui offrit pour Noël une carabine et on l’autorisa à s’entraîner, à tirer, mais uniquement sur des bouteilles ou au pire, des geais bleus car c’est un péché de tuer un oiseau moqueur. Il ne faut pas nuire à cet oiseau car il ne sait faire qu’une seule chose : chanter pour notre plaisir. Il ne vient pas manger dans les jardins, il ne fait pas son nid dans celui des autres oiseaux et ne faisant que chanter se retrouve sans défense face aux chasseurs. De plus, le moqueur, oiseau très répandu aux Etats- Unis est aussi le symbole du Sud (où se déroule l’action).
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Cette métaphore de l’oiseau est filée tout au long du roman (et du film) pour souligner l’injustice qu’il y a de blesser des personnes innocentes ou sans défense. L’histoire du film est racontée du point de vue de Scout et de son frère. Elle fait entrer le spectateur dans le monde merveilleux et fantastique des enfants comme a pu le faire aussi La Nuit du chasseur (Charles Laughton 1955 d’après le roman de David Grubb). Des enfants qui finissent par perdre leurs illusions et découvrir le monde imparfait et hypocrite des adultes. Dès l’ouverture du film et son magnifique générique conçu par Stephen Frankfurt (il signa aussi ceux de Rosemary’s Baby, Network ou Superman) le spectateur pénètre littéralement dans la tête, l’imaginaire de Scout. Sur le thème principal composé par Elmer Bernstein, joué au piano note par note, la voix d’une petite fille chantonne et une main d’enfant ouvre une vieille boîte à cigares.
La caméra plonge dans ce petit coffre à trésors rempli d’objets liés à l ‘enfance et les filme en très gros plans (on en retrouvera certains au cours du film). Un crayon (qui dessine des traits et griffonne le titre du film puis un oiseau) une montre à gousset (et son tic-tac), une épingle de nourrice, deux pièces de monnaie, deux figurines sculptées, une bille (qui roule pour en cogner une autre), un collier de perles, un harmonica, un sifflet... Et le dessin de l’oiseau se déchire, le film peut commencer et l’héroïne Scout Finch (en voix off) raconter son histoire : « Maycomb était une ville fatiguée même en 1932, quand je la connus... » Scout, fascinée d’imaginer les pires horreurs sur son voisin Boo Radley et curieuse de suivre le procès de Tom Robinson, jeune Noir accusé à tort de viol et défendu par son père, va finir par comprendre qu’ils sont tous les deux, des « oiseaux moqueurs ». Victimes innocentes des adultes, du racisme et de la société. S’il est un péché de tuer un oiseau moqueur, il en est de même de malmener les innocents que sont Tom Robinson ou Boo Radley. Derrière les apparences d’une peinture mélancolique de l’enfance, le film (et le roman) est aussi un pamphlet contre l’intolérance. Sans doute moins caricatural que La Porte s’ouvre (Joseph L.Mankiewicz 1950), moins didactique que Graine de violence (Richard Brooks 1955) et La Chaîne (Stanley Kramer 1958) et moins philosophique que Le Monde, la chair et le diable (Ranald MacDougall 1959), Du silence et des ombres aborde la question du racisme aux Etats-Unis de façon réaliste. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur paraît au début des années 60, en plein mouvement pour les Civil Rights (au moment des rassemblements pacifiques autour de Martin Luther King et des boycots des bus par les Noirs). Le roman se déroule trente ans auparavant et la ségrégation raciale y est très présente.
À l’école de Scout, aucun enfant noir n’est scolarisé. Les Noirs habitent des quartiers en dehors de Maycomb, ils ont leur église et leur galerie au tribunal pour assister au procès. Ils ne se mélangent pas aux Blancs, pourtant Scout et Jem vont s’introduire dans ces lieux réservés (le film ne reprend pas la scène où les enfants accompagnent Calpurnia pour la messe à l’église noire). Calpurnia, la gouvernante noire d’Atticus, fait partie intégrante de la famille. Elle est respectée par Atticus et fait autorité auprès des enfants. Dans le film, elle est sans doute le personnage féminin le plus important (Mrs Dubose, Miss Maudie Atkinson ou la tante de Dill sont moins présentes et le personnage de tante Alexandra, la sœur d’Atticus est complètement absente). Roman et film reprennent le vocabulaire en pratique à l’époque pour décrire les noirs : ils sont appelés « nègres et négresses » (nigger ou negro en anglais). Dans le roman, l’accusé noir Tom Robinson le dit lui-même : « Mr Finch, si vous étiez un nèg’ comme moi, vous au’iez eu peu’ vous aussi ». Atticus Finch est qualifié de « défenseur » ou « d’ami des nègres » (nigger lover). Il n’hésite pas à reprendre Scout lorsqu’elle lui demande s’il défend des nègres, en répondant « Ne dis pas nègre Scout, c’est vulgaire. Tout le monde dit ça à l’école », rétorque-t-elle. « Désormais ce sera tout le monde sauf toi… ». Ce passage (du livre et) du film et surtout la longue plaidoirie d’Atticus ne laissent aucun doute sur la dénonciation du racisme et des préjugés alors courants.

HARPER LEE L’AUTEUR D’UN SEUL ROMAN

HARPER LEE
REPÈRES BIOGRAPHIQUES PAR
Isabelle Hausser (Livre de Poche)
1926strong> Naissance le 28 avril, à Monroeville (petite ville d’Alabama, prototype de Maycomb) de Nelle Harper Lee, quatrième et dernier enfant d’Amasa Coleman Lee et de Frances Cunningham Finch.
Comme Atticus Finch, son père est avocat. Il publie aussi, de 1929 à 1947, un hebdomadaire,The Monroe Journal. Sa mère, assez excentrique, souffre de troubles nerveux et laisse la gestion de la maison à leur employée noire. La jeune Nelle se conduit très jeune comme un garçon manqué.
1928-1933 Début de son amitié avec Truman Capote. Après le divorce de ses parents, il est élevé par une parente, voisine de la famille Finch. Il servira de modèle au personnage de Dill. Les deux enfants sont très proches et se sentent différents des autres.
1944 Envoyée au collège méthodiste de filles Hutingdon à Montgomery (Alabama). Elle y est malheureuse parce que trop étrangère aux préoccupations de ses camarades qui la jugent non conformiste. Elle écrit des nouvelles pour le journal du collège dont certains éléments annoncent déjà L’Oiseau moqueur.
1945 S’inscrit à la faculté de droit de l’université d’Alabama et envisage de devenir avocate, comme son père et sa sœur aînée, Alice. Elle collabore encore aux journaux d’étudiants.
1948 Passe un semestre à Oxford, dans le cadre d’un échange d’étudiants puis quitte l’université d’Alabama six mois avant son diplôme. Truman Capote publie son premier roman, Les Domaines hantés. Le personnage, Idabel Thompkins a été inspiré par Harper Lee.
1950 S’installe à New York avec l’intention d’écrire, mais doit travailler au service des réservations d’une compagnie aérienne pour vivre.
1951 Mort brutale de son frère Edwin, à l’âge de 31 ans, puis de sa mère. Pour aider son père, elle fait des allers-retours entre New York et Monroeville.
1956 Reçoit en cadeau de Noël d’un couple d’amis, une somme d’argent lui permettant de passer une année entière à écrire.
1958 Montre son manuscrit, alors intitulé Atticus, à la maison d’édition Lippincott. L’éditrice est convaincue d’avoir affaire à un véritable écrivain mais trouve que le texte est plus une collection de saynètes qu’un roman. Elle demande à Harper Lee de le retravailler. Celle-ci y consacrera deux années.
1959 À la suite du meurtre de la famille Clutter à Holcomb (Kansas), Truman Capote, qui en fera le sujet de son livre De sang froid (1965), propose à Harper Lee de l’accompagner pour enquêter sur cette affaire. Ses notes dactylographiées ont été conservées. Elle est l’une des dédicataires du livre.
1960 Publication de To Kill a Mockingbird (Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur).
1961 Elle reçoit le prix Pulitzer. Publication d’un article «Love in other words » dans Vogue et d’un second «Christmas to me» dans McCalls. Annonce qu’elle prépare un second roman.
1962 Mort de son père Amasa Coleman Lee. Sortie du film réalisé par Robert Mulligan à partir du roman. Gregory Peck joue Atticus Finch et obtient un oscar.
1964 Harper Lee donne l’une de ses dernières interviews à Roy Newquist, parue dans Counterpoint.
1965 Publication d’un article dans McCalls («When children discover America»).
1966 Nommée au National Council of the Arts par le président Johnson.
1970 Adaptation du roman pour la scène par Christopher Sergel. 1983 Publication de «Romance and High Adventure », contribution de Harper Lee à l’Alabama History and Heritage Festival.
Malgré l’immense succès de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur Harper Lee a disparu de la scène littéraire américaine en 1964. Le second roman qu’elle annonçait n’a jamais été publié. Rien ne permet de vérifier la rumeur qui veut qu’un éditeur ait refusé l’un de ses manuscrits ou celle qui affirme qu’elle a publié d’autres romans sous des pseudonymes.
Comme Harper Lee, Margaret Mitchell avec Autant en emporte le vent et Ralph Ellison avec Homme invisible pour qui chantes-tu ? (tous originaires du Sud) elle est restée l’auteur d’un seul roman. Ses relations avec son ami d’enfance, Truman Capote, qu’elle avait accompagné dans le Kansas pour l’assister dans ses entretiens et un long travail d’enquête sur ce qui deviendra De Sang froid (1966), ont fait récemment l’objet d’un film.
Capote de Bennett Miller (2005) avec Philip Seymour Hoffman dans le rôle de Truman Capote et Catherine Keener dans celui de Harper Lee.
Après son prix Pulitzer, et jaloux du succès de son amie car il n’obtint jamais le le même prix, Capote fit courir le bruit qu’il était le véritable auteur de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur. Il minimisa également le rôle de Harper Lee dans ses investigations préalables à De sang froid. Contrairement à Capote, elle ne fit jamais la moindre confidence publique sur lui et ne revendiqua jamais le moindre droit sur De sang froid. Il est pourtant avéré que son rôle à Holcomb ne fut pas négligeable, ne serait-ce que parce qu’elle était mieux acceptée de la population locale que Truman Capote - ce que décrit bien le film de Bennett Miller. La brouille entre les deux amis semble avoir duré jusqu’à la mort de Capote en 1984.
Agée aujourd’hui de 84 ans, Harper Lee vit partagée entre New York et Monroeville, où elle habite avec sa soeur aînée, Alice.
Harper Lee fait partie de ces auteurs discrets ayant fui la célébrité comme Jerome David Salinger (mort le 27 janvier dernier) qui après le succès de The Catcher in the Rye (1951 et publié en France en 1953 sous le titre de L’Attrape-Cœurs) vécut reclus à Cornish (New Hampshire). Depuis 1953, il décida de ne plus rien publier, n'autorisant aucune nouvelle parution, ni aucune adaptation cinématographique malgré les nombreuses sollicitations (contrairement à Harper Lee). Cette absence a aussi suscité des interrogations et construit bien des fantasmes. Le cas Salinger interroge la place de l'écrivain dans le monde contemporain, personnage public par nature dont le métier, écrire, n'est pas forcément compatible avec des formes de publicité et avec le fonctionnement médiatique en général.
Deux grands auteurs américains vivants, Thomas Pynchon et Cormac MacCarthy refusent eux aussi toute apparition publique, comme d'autres reclus célèbres, Glenn Gould, Greta Garbo ou Howard Hughes, même si pour l'écrivain, la solitude semble être une condition plus indispensable et naturelle à la création.
Malgré la profusion de parutions littéraires, notre époque a produit peu de classiques, de textes universels, à la fois accessibles à tous, partout, et capables de toucher dans toutes les langues, à tous les âges, et dans le même temps comme ont su le faire L’Attrape-Coeurs de Salinger ou Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur de Harper Lee.
LA PRESSE FRANCAISE POUR LA PARUTION DU ROMAN EN LIVRE DE POCHE
« Ce best-seller américain (...) était resté quasi inconnu du jeune public français. Sa parution en poche est l'occasion de découvrir le personnage attachant de la petite Scout et son frère Jem (...). Si le plaidoyer politique est présent, la description d'une enfance américaine est tout aussi sensible. C'est ce qui fait le charme, subtil et persistant, de ce roman d'initiation made in USA dont les thèmes toucheront les adolescents d'aujourd'hui ». Le Nouvel Observateur - mai 2007 « (...) sensible et poétique évocation d'un Sud qui tient beaucoup de l'autobiographie à peine sublimée. (...)Truman Capote prétendait parfois avoir participé à l'écriture de cet Oiseau moqueur. Même les grands hommes n'échappent pas au poison de la jalousie (...) ». Lire - février 2007 « Un phénomène comparable à L'Attrape-Coeurs de Salinger, et donc l'un des plus beaux livres jamais écrits ». Fémina - février 2005

ROBERT MULLIGAN

« LE FRANCOIS TRUFFAUT AMÉRICAIN »

« To Kill a Mockingbird était un livre magnifique et j’ai beaucoup travaillé sur l’adaptation avec un de mes amis, Horton Foote. Je suppose que c’est toute la littérature sudiste qui m’a rapproché de ce pays. Je me sentais capable de traiter le sujet car une petite ville est une petite ville, qu’elle soit au nord ou au sud. J’ai passé un certain temps dans le sud à préparer le film. J’écoutais Horton Foote, me raconter des histoires sur son enfance au Texas. C’est devenu peu à peu un film très personnel » (Robert Mulligan)
Robert Mulligan est né le 23 août 1925 à New York, dans le Bronx, fils de Robert Edward Mulligan, policier et de Elizabeth Gingell. Il va à l’école communale du Bronx, refuse à l’age de quatorze ans une bourse accordée par le New York Art Institute et préfère poursuivre des études générales. Après avoir fréquenté l’Académie de Sainte Anne, il prend la décision d’entrer au séminaire. Il interrompt ses études de théologie pour s’engager comme radio dans l’U.S. Marine pendant la seconde guerre mondiale. Démobilisé, il travaille pendant six mois dans les services rédactionnels du New York Times puis s’inscrit à l’Université de Fordham où il se spécialise enlittérature et en journalisme. En deuxième année, il est un des premiers à travailler dans le nouveau département de la radio créé à l’université puis rentre comme coursier aux studios de la Columbia Broadcasting Society (CBS).
Il franchit tous les échelons de la hiérarchie et devient l’assistant du réalisateur Robert Stevens qu’il remplace après son départ. De 1952 à 1960 Robert Mulligan met en scène pour CBS et NBC, des centaines de « dramatiques TV » tournées en noir et blanc : Suspense (1952-54), Philco Goodyear Playhouse (1954) The Alcoa Goodyear (1955-56), Studio One (1956-57) ou The Dupont show of the Month (1958-59). Il se fait remarquer pour sa direction de jeunes acteurs (Steve Mc Queen, Jack Lemmon, Paul Newman, Christopher Plummer ou Sidney Poitier) devient un des réalisateurs les plus cotés de la télévision (au milieu d’autres débutants, Franklin J. Schaffner, Arthur Penn, George Roy Hill, Sidney Lumet ou John Frankenheimer) et rencontre des auteurs apprentis (Gore Vidal, Paddy Chayefsky et Horton Foote). Sur plus de trois cents titres réalisés, se distingue The Moon and sixpence (1959 - d’après le roman de Somerset Maugham) qui récompense Robert Mulligan et son interprète Laurence Olivier d’un Emmy Award. Alan J. Pakula (1928-1998) producteur débutant à la Paramount remarque le talent de Mulligan et lui propose, de lire un roman pour l’adapter et réaliser son premier long-métrage : Prisonnier de la peur(Fear Strikes Out 1957). Mulligan pense à Anthony Perkins, avec qui il a déjà travaillé à la télévision, pour incarner ce joueur de base-ball névrotique écrasé par les attentes de son père (Karl Malden). Cette première tentative cinématographique connaît juste un succès critique. Pakula et Mulligan n’ont pas la stature pour faire aboutir d’autres projets personnels. Toujours sous contrat, Mulligan retourne réaliser des dramatiques en direct à la télévision, en attendant que Paramount lui offre une nouvelle chance avec Les Pièges de Broadway (The Rat Race 1960). Pour cette adaptation de la pièce de Garson Kanin, Elmer Bernstein signe la musique d’un film dans lequel Tony Curtis joue un saxophoniste de province perdu dans New York (Mulligan souhaite tourner la totalité du film dans New York, mais ne dispose que de quatre jours d’extérieurs, le reste étant tourné en studios).
Il retrouve Tony Curtis pour une autre comédie Le Roi des imposteurs (The Great Impostor 1961) où celui-ci incarne un mythomane aux identités et aux métiers multiples (marin dans l’armée américaine, gardien de prison, médecin dans la marine canadienne et moine trappiste). Ce film est le premier d’une série de trois productions Universal-International supervisées par Robert Arthur. Ces films aux sujets imposés permettent à Mulligan de poursuivre son apprentissage du cinéma (il est par exemple peu familier avec le montage puisque à la télévision les dramatiques se montent en direct).
Le Rendez-vous de septembre (Come September 1961) est une comédie romantique avec Rock Hudson, en riche milliardaire et Gina Lollobrigida. Chaque année en septembre il retrouve sa maîtresse dans sa villa italienne, mais un jour en débarquant sans prévenir, se rend compte que son majordome la transforme en hôtel pour vacanciers le reste de l’année. L’homme de Bornéo (The Spiral Road 1962) est un film d’aventures exotiques. Rock Hudson est un jeune médecin qui risque sa vie pour venir en aide à des lépreux dans la jungle indonésienne. Pressenti pour le prochain film de Robert Mulligan, une adaptation du roman de Harper Lee To Kill a Mockingbird c’est en fait Gregory Peck qui rejoint les plateaux extérieurs d’Universal de mars à mai 1962. Du silence et des ombres est la seconde collaboration de Mulligan avec Alan J. Pakula comme producteur. Il retrouve son chef opérateur de L’Homme de Bornéo, Russell Harlan et d’autres techniciens complices depuis plusieurs films déjà comme le compositeur Elmer Bernstein et le chef décorateur Henry Bumstead. La critique est unanime, le film remporte un beau succès et se voit nommé dans plusieurs catégories aux Golden Globes et aux Oscars, dont celles du meilleur film et du meilleur réalisateur.
  • Mary Badham & Robert Mulligan sur le tournage de Du silence et des ombres
Gregory Peck reçoit l’Oscar du meilleur acteur. Le film suivant, Une certaine rencontre (Love with the Proper Stranger 1963) réunit trois stars : Steve McQueen, Natalie Wood et New York.

C’est aussi le premier sujet original que Mulligan et Pakula portent à l’écran. Un scénario d’Arnold Schulman qui propose une histoire d’amour dans l’ordre inverse habituel confie Mulligan : «Un homme (Steve McQueen trompettiste fauché) qui n’a jamais eu de responsabilité, peu à peu se trouve pris par un sentiment de responsabilité qui tourne autour de l’avortement et de la décision d’avoir ou non un enfant. Progressivement il tombe amoureux sans le chercher, sans le vouloir, et sans qu’il y ait rien de romantique dans l’histoire. J’aimais aussi l’idée de tourner en décors naturels, c’est tellement plus vivant. Je déteste le studio, tourner en extérieurs réels aide les acteurs, inconsciemment cela les imprègne ». Le Sillage de la violence (Baby, the Rain Must Fall 1964) occupe une place à part dans la filmographie de Mulligan puisqu’il avait déjà tourné cette histoire pour la télévision. Adaptation de la pièce de théâtre, The Travelling lady, de son ami Horton Foote (auteur à ses côtés de dramatiques télé et lauréat d’un Oscar pour l’adaptation de To Kill a Mockingbird), dans cette version il développe davantage le personnage masculin et offre un nouveau rôle de antihéros à Steve McQueen (chanteur raté sorti de prison, angoissé et incapable de se réadapter à sa vie de couple, de père ou d’accepter la domination de sa mère adoptive). Pour interpréter Daisy Clover (Inside Daisy Clover 1965) Robert Mulligan fait à nouveau appel à Natalie Wood pour un film sur Hollywood dans les années 30, d’après le roman éponyme de Gavin Lambert. Ancien éditeur de la revue anglaise Sight and Sound (1950-56), ami de Lindsay Anderson et assistant personnel de Nicholas Ray pour Derrière le miroir (1956), Gavin Lambert y décrit Hollywood comme un conte de fée cruel, dénonçant l’envers du décor, les producteurs manipulateurs, le starsystem. Agé de quinze ans Daisy Clover (Natalie Wood) devient une enfant-star façonnée par le producteur Raymond Swan (Christopher Plummer) et que l’on marie à la vedette maison du studio, le beau (mais homosexuel), Wade Lewis (Robert Redford dans son premier rôle au cinéma).
Quarante ans avant Entre Les murs, avec Escalier Interdit (Up the Down Staircase 1967), Robert Mulligan propose comme Laurent Cantet, une approche réaliste de l’école et des difficultés d’une jeune professeur à enseigner, piétinée par le système administratif et ses propres élèves.
Avec L'Homme sauvage (The Stalking Moon 1969) Mulligan abandonne le New York contemporain pour un western mêlant film noir et suspense au Nouveau-Mexique. Un éclaireur de l’armée (Gregory Peck) pour sa dernière mission, après avoir sauvé une femme blanche et son enfant métis, leur propose de les installer dans son ranch pour échapper au père apache qui veut reprendre l’enfant. Ce film est la sixième et dernière collaboration avec Alan Pakula son complice régulier depuis Du silence et des ombres (1962).
Producteur, il passe à son tour à la réalisation d’un premier film, Pookie (1969) avec Liza Minnelli. Juste après le départ de son producteur fétiche, Robert Mulligan connaît pourtant son plus grand succès au début des années 70 : Un Été 42 (Summer of 42 - 1971). Chronique adolescente d’après un scénario original de Herman Raucher, dans laquelle une jeune femme (Jennifer O’Neill),
esseulée par un mari parti à la guerre, initie un jeune garçon (Gary Grimes) à ses premiers émois sexuels. La musique de Michel Legrand oscarisée fait le tour du monde. Le succès planétaire du film éclipse le suivant : L'Autre (The Other 1972). Un film fantastique autour de la gémellité et des rapports entre le Bien et le Mal, adapté du roman d’un ancien comédien, Tom Tryon. Mulligan, par sa seule mise en scène, réussit à rendre vraisemblable un cas de dédoublement de personnalité sans utiliser d’effets spéciaux sophistiqués.
Ses films suivants ne rencontrent pas tous la même réussite :
- The Pursuit of Happiness (1971) avec Michael Seresin et Barbara Hershey reste inédit en salles, en France.
- Nickel Ride (The Nickel Ride 1974), un thriller teinté d’étrange, dans lequel des gangsters veulent éliminer un des leurs, devenu trop âgé une sélection au Festival de Cannes.
- Les Chaînes du sang (Bloodbrothers 1978) est un drame familial avec Paul Sorvino et Richard Gere.
- Même heure, l'année prochaine (Same Time, Next Year 1978) suit un couple adultère (Ellen Burstyn et Alan Alda) qui se retrouve chaque année pendant vingt-six ans (l’origine théâtrale et le décor unique sont pesant pour le film). - Kiss Me Goodbye (1982) est une comédie avec James Caan et Sally Field
- Le Secret de Clara (Clara's Heart 1988) avec Whoopie Goldberg reste inédit dans les salles françaises et ne connaît qu’une diffusion sur Canal+.
- Un Été en Louisiane (The Man in the Moon 1991), vingtième et dernier film de Mulligan marque les débuts prometteurs de Reese Witherspoon. Le réalisateur dépeint une dernière fois, l’enfance et l’adolescence. A travers l’éveil amoureux d’une jeune fille et ses premières déceptions, ce drame qui se déroule dans le Sud des Etats-Unis pendant les années 50 met en scène la famille, véritable dénominateur commun de toute une filmographie, depuis 1957, et son premier film, Prisonnier de la peur .

Après ce tournage, le cinéaste Robert Mulligan se retire dans sa propriété de Old Lyme dans le Connecticut (lieu de tournage de L'Autre) avec la comédienne Jane Lee Sutherland (son épouse depuis 1952). Il meurt d’une crise cardiaque le 20 décembre 2008 .

GREGORY PECK : PARCOURS D’UN HÉROS AMÉRICAIN

« Vous me voyez navré de dire cela, mais je vois mal ce que l’on peut faire de Gregory Peck. Il me paraît difficile de le faire travailler chez nous et d’obtenir que les autres studios l’emploient. Il est aussi photogénique qu’Abraham Lincoln et s’il a une forte personnalité, cela ne se voit pas.» Note de service rédigée par David O. Selznick après des essais de Gregory Peck (1941) Eldred Gregory Peck est né le 5 avril 1916 à La Jolla (Californie) où son père tenait un drugstore. À cinq ans, quand ses parents divorcent, il est confié à sa grand-mère. Envoyé à dix ans à l’école militaire catholique de Saint James, puis diplômé de l’École Supérieure de San Diego. Il commence en 1936 des études de médecine à l’Université Berkeley puis se tourne vers la littérature, dévore les pièces de théâtre et participe à plusieurs spectacles. Ses études finies, il part pour New York en 1939, décidé à suivre les cours de Sanford Meisner (enseignant de la « Méthode » et fondateur du Group Theater avec Lee Strasberg) au Neighborhood Playhouse. À cette époque, il abandonne le prénom de Eldred pour Gregory. Il travaille à l’Exposition Universelle de New York et comme guide au Radio City Music-Hall. Après une trentaine de pièces, arrivent les premiers rôles à Broadway : The Morning Star d’Emlyn Williams, The Willow and I de John Patrick et Sons and Soldiers d’Irving Shaw qui est aussi la dernière mise en scène de Max Reinhardt.
  • Gregory Peck déjà avocat, dans Le Procès Paradine
Dans un entretien à Michel Ciment (de septembre 1989 paru dans le magazine Positif) Gregory Peck confie l’influence laissée au début de sa carrière, par le maître allemand. «Je jouais Sons and Soldiers avec Stella Adler une des grandes propagandistes de la Méthode de Stanislavski. J’avais beaucoup de texte à dire et je devais passer constamment du rire aux larmes. J’étais très tendu pendant les répétitions, Max Reinhardt m’a pris à part dans un coin de la scène : « Jeune homme, je sais que c’est difficile pour vous mais vous devez comprendre que ce n’est pas la vie, ce n’est qu’un jeu. Il n’y a rien de dangereux dans ce que vous faites et le pire qui peut vous arriver, c’est de vous ridiculiser. Le tout est de penser que vous êtes dans le faux-semblant. Vous savez que vous avez de la chance, vous et tous ceux de votre profession, parce que la plupart des gens cessent de jouer quand ils deviennent grands, alors que vous jouez toute votre vie. Alors ne prenez pas cela trop au sérieux et laissez-vous aller. » ... J’ai découvert ensuite que les choses les plus faciles à jouer sont les morceaux de bravoure, les grandes émotions. Le plus difficile - et la plupart des comédiens seront d’accord avec moi - est d’interpréter une comédie sophistiquée. Une autre tâche ardue est d’incarner un héros, quelqu’un de toujours prévisible parce qu’il se conduit sans cesse parfaitement. » Le scénariste Casey Robinson, lui propose son premier rôle au cinéma dans un film RKO, Jours de gloire (Jacques Tourneur 1943). Un des rares films de propagande procommunistes hollywoodiens dans lequel un groupe de partisans russes organise des actions de sabotage derrière les lignes allemandes. Après ce coup d’essai, Gregory Peck devient populaire du jour au lendemain et retient le conseil de Jacques Tourneur . « Greg, vous avez une technique théâtrale, vous parlez trop fort et vous faites trop de gestes. Souvenez-vous que la caméra est votre amie intime et que le micro est juste au-dessus de votre tête. Alors ne criez pas, ne faites pas la démonstration de vos émotions, intériorisez vos pensées et vos sentiments, et laissez à la caméra et au micro le soin de les capter ».
Son deuxième rôle au cinéma, un missionnaire humaniste (à tous les âges de la vie) dans Les Clés du royaume (John M. Stahl 1944) lui vaut sa première nomination à l’Oscar. Tout en étant approché par le producteur David O.Selznick, il tourne d’abord à la MGM, La Vallée du jugement (Tay Garnett 1944) aux côtés de la star maison, Greer Garson puis Jody et le faon (Clarence Brown 1946) où son rôle de jeune père de famille pionnier lui vaut une nouvelle nomination. Travailler avec Selznick va lui permettre de changer de registre. Médecin névrosé sauvé par l’amour d’Ingrid Bergman dans La Maison du Dr Edwardes (Alfred Hitchcock 1945), il lui fait ensuite tenir son premier rôle de méchant dans Duel au soleil (Henry King 1946) et l’impose encore à Hitchcock en avocat anglais chargé de défendre Alida Valli dans Le Procès Paradine (1947). Gregory Peck se souvient du producteur envahissant et trop directif (Henry King excédé dût abandonner le tournage de Duel au soleil). « Selznick aimait l’idée de me sortir du rôle de prêtre réfractaire que je tenais dans Les Clés du royaume pour me faire jouer un voleur, un faussaire, un tueur, un menteur, un bon à rien foncièrement pourri, mais avec un certain côté attachant. Ce genre de rupture dans mon personnage lui plaisait ». Il commence ensuite un contrat avec la Twentieth Century Fox. Le producteur Darryl Zanuck et Elia Kazan (fondateur de l’Actors Studio et adepte de la Méthode) renforcent son image d’homme de morale avec Le Mur invisible (Gentleman’s Agreement 1947) et ce rôle d’un journaliste se faisant passer pour juif pour mieux dénoncer l’antisémitisme. Ce sujet jamais abordé à l’écran remporte l’Oscar du meilleur film et du meilleur réalisateur. Le style du jeu de Gregory Peck reste sobre. La direction d’acteurs de Kazan n’est pas encore celle systematisée à partir d’Un tramway nommé Désir (1952) mais elle vaut une troisième nomination à l’Oscar à Gregory Peck. Peu après celui-ci croise des réalisateurs vétérans du muet, William Wellman pour La Ville abandonnée (1948) et Raoul Walsh pour Capitaine sans peur (1951) et Le Monde lui appartient (1952). Des réalisateurs « presque interchangeables » selon lui et ayant « un amour immodéré pour leur moyen d’expression, un plaisir à raconter des histoires avec de l’action et du mouvement. Ils n’étaient pas contre le dialogue, mais contre l’excès de dialogue. S’ils pouvaient mettre en place une situation, ou créer une atmosphère sans avoir recours à un texte, ils n’hésitaient pas ».

  • Gregory Peck Capitaine Achab - Moby Dick
Dans les années 50, Gregory Peck tourne à six reprises avec un autre vétéran hollywoodien : Henry King. « C’était un réalisateur de la vieille école, expert en technique et sous contrat avec Zanuck. Il n’y avait aucun problème qu’il ne savait résoudre. Et Zanuck lui donnait les films les plus divers à tourner. Il avait été, lui aussi, acteur de théâtre. Il adorait jouer devant moi la scène que j’allais interpréter, bien qu’il y eût entre nous une trentaine d’années de différence ». Cette relation privilégiée donne naissance à des films et des rôles originaux dans la carrière de Gregory Peck. Officier autoritaire dans Un Homme de fer (1949) il est nommé une quatrième fois à l’Oscar ; aventurier voulant se débarrasser de son passé dans le western La Cible humaine (1950) ; personnage biblique dans David et Bethsabée (1951) aux côtés de Susan Hayward ; qu’il retrouve avec Ava Gardner pour Les Neiges du Kilimandjaro (1952) dans la peau de l’écrivain (créé par Hemingway) mourant qui se retourne sur son passé; cow-boy vengeur dans Les Bravados (1959) et étrange F.Scott Fitzgerald dans Un Matin comme les autres (1959). Parti en Europe pour présenter Les Neiges du Kilimandjaro et pour tourner la comédie romantique Vacances Romaines (William Wyler 1953) avec la débutante Audrey Hepburn, Gregory Peck lors d’un séjour à Paris, rencontre Véronique Passani, une jeune journaliste française, qui deviendra sa seconde épouse et partagera le reste de sa vie.
De retour aux Etats-Unis, il tourne à deux reprises devant la caméra du scénariste Nunnally Johnson : Les Gens de la nuit (1954) et L’homme au complet gris (1956) avant de repartir pour Londres rejoindre le plateau de Moby Dick de John Huston. Gregory Peck revient sur son interprétation du capitaine Achab, personnage imaginé par Herman Melville : «J’étais trop jeune, je n’avais pas connu suffisamment d’expériences dans ma vie pour incarner ce vieil homme plein d’un ressentiment philosophique car, selon lui, si Dieu existe, il doit être mauvais pour accepter que tant de souffrances, de misère, de malheurs existent sur terre… Je crois que Huston avait besoin d’une star au boxoffice pour que le film puisse être financé, mais qu’il aurait probablement préféré le tourner avec son père Walter Huston, ou avec Orson Welles, ou encore Fredric March. Le film a des moments magnifiques mais j’ai le sentiment qu’il était trop littéraire, que nous parlions beaucoup… » Après ces mauvaises critiques, il renoue avec le succès grâce à la comédie, La Femme modèle (Vincente Minnelli 1957) et son ménage turbulent, lui en reporter sportif marié à Lauren Bacall, dessinatrice de mode. Il retrouve William Wyler avec qui il produit le western, Les Grands espaces (1958) face à Charlton Heston. Il interprète à plusieurs reprises les militaires courageux : lieutenant américain de la guerre de Corée dans La Gloire et la peur (Lewis Milestone 1959), commandant d’un sous-marin américain en pleine catastrophe nucléaire dans Le Dernier Rivage (Stanley Kramer 1959) et chef d’un commando pendant la Seconde Guerre mondiale dans Les Canons de Navarone (Jack Lee Thompson 1961). Un de ses plus gros succès avec Vacances Romaines. Entouré de John Wayne, James Stewart, Henry Fonda et Richard Wydmark, il participe à La Conquête de l’Ouest (co-réalisé par John Ford, Henry Hathaway et George Marshall). Fresque qui retrace l’itinéraire d’une famille d’émigrants en cinq parties (l’aventure des pionniers, la ruée vers l’or, la guerre de Sécession, la construction des chemins de fer et l’épopée des hors-la-loi).

  • G.Peck & Robert Mitchum - Les Nerfs à vif
  • Mary Badham et Gregory Peck sur le tournage de Du silence et des ombres
Il poursuit à nouveau l’expérience de la production.Il connaît d’abord l’échec, en avocat scrupuleux harcelé par Robert Mitchum dans Les Nerfs à vif (Jack Lee Thompson 1962) avant d’être enfin oscarisé, la même année, à l’âge de 46 ans et pour un autre rôle d’avocat dans Du silence et des ombres de Robert Mulligan. L’acteur est flatté d’être sollicité par des jeunes auteurs et conquis par un scénario qui lui évoque sa propre enfance. « Je ne connaissais pas ces deux jeunes gens (Mulligan et Pakula) mais j’avais vu un film qui était bien fait sur un joueur de base-ball (Prisonnier de la peur). Je les ai appelés à 8 heures du matin en leur disant : « Dites-moi quand je dois commencer j’adorerai jouer ce rôle ». J’ai trouvé que ce roman était bien écrit, sans tenir compte qu’il avait reçu le prix Pulitzer. J’ai senti que je pouvais m’identifier à ce personnage, sans stress et sans effort que je pouvais entrer dans ses chaussures sans avoir à faire l’acteur. (…). J’ai senti que je connaissais bien ces deux enfants. Ma propre enfance fut comme la leur, c’était dans le sud de la Californie aussi dans une petite ville où l’on se baladait l’été pieds nus et où l’on jouait dans des cabanes en bois suspendues dans les arbres et où l’on déboulait au milieu de la rue, à l’intérieur d’un vieux pneu. »
Dans Positif, Gregory Peck évoque Du silence et des ombres : « C’est le titre le plus souvent cité aux Etats-Unis quand on parle de moi. On y apprend ce qu’étaient les préjugés raciaux dans le Sud profond, en Alabama, dans les années 20 et 30. On comprend que le lynchage était tragiquement courant et qu’un Noir n’était pratiquement jamais acquitté pour un viol, même s’il n’avait pas eu lieu. Mon personnage représente pour les spectateurs un exemple d’intégrité et d’honnêteté. Pour beaucoup, il apparaît comme une version idéalisée du citoyen américain, et pour les jeunes, comme un père qui sait parler à ses enfants, en adultes et les traiter avec respect … Robert Mulligan est un de mes metteurs en scène favoris. Moitié irlandais, moitié californien, ce qui n’est pas très répandu pour un adepte de la Méthode, mais il savait l’utiliser au mieux. Il a un esprit très pénétrant, sait comprendre les acteurs et les aider ».
Après la comédie Arabesque (Stanley Donen 1966) avec Sophia Loren (qui lui avait remis son Oscar en 1963) Gregory Peck retrouve Robert Mulligan pour L’Homme sauvage (1968) un western mêlé d’angoisse qui fonctionne comme un film à suspense. En 1969, il enchaîne deux films avec Jack Lee Thompson L'Homme le plus dangereux du monde et L'Or de MacKenna. Fidèle à l’image de justice et de droiture qu’il incarne à l’écran, Gregory Peck assume dans sa carrière ses convictions politiques. « Cela vient de l’éducation libérale que j’ai reçue au collège. Le premier président pour lequel j’ai été en âge de voter fut Franklin D. Roosevelt. Je suis toujours fidèle à sa philosophie politique, je pense qu’il est à ce jour, le meilleur président que nous ayons eu et ma tournure d’esprit m’entraîne à favoriser un programme social qui prend soin des pauvres et des déshérités, leur donne droit à une éducation correcte, et à m’opposer à un gouvernement qui penche vers l’extrême droite, indifférent au sort des plus malheureux de nos concitoyens ».
Dans les années 70, alors que son fils Stephen combat au Vietnam, Gregory Peck produit sans y apparaître, Les Neuf de Catonsville (Gordon Davidson 1972), une adaptation de la pièce de Daniel Berrigan, sur le procès d'un groupe de vietnamiens accusés de désobéissance civile. Tourné en sept jours avec le grand chef opérateur Haskell Wexler, il trouve un petit distributeur indépendant pour sortir ce film que le public boude car personne ne veut d’une leçon sur le conflit vietnamien. A cette époque, étant sympathisant du parti démocrate on pense même à lui comme un candidat possible contre Ronald Reagan, au poste de gouverneur de Californie. Malgré un petit ralentissement dans sa carrière d’acteur, Gregory Peck tournera jusqu’au début des années 90 (filmographie sélective ci-dessous), faisant même une apparition dans le remake réalisé par Martin Scorsese des Nerfs à vif (Cape Fear) dont il avait été la vedette de la première version en 1963. Il meurt dans son sommeil, à 87 ans, le 12 juin 2003 à Los Angeles.

1970 : Le pays de la violence de John Frankenheimer
1971 : Quand siffle la dernière balle de Henry Hathaway
1973 : Un colt pour une corde de Ted Kotcheff

1976 : La Malédiction de Richard Donner
1977 : Mac Arthur, le général rebelle de Joseph Sargent
1978 : Ces garçons qui venaient du Brésil de F.J.Schaffner

1980 : Le commando de sa Majesté d’Andrew V. McLaglen
1989 : Old Gringo de Luis Puenzo
1991 : Larry le liquidateur de Norman Jewison

MARY BADHAM (Scout)

Mary Badham, la formidable Scout dans Du silence et des ombres est née le 7 octobre 1952 à Birmingham dans l’Alabama. C’est au cours d’un voyage d’études que le producteur Alan J. Pakula et Gregory Peck rencontrèrent la fillette qu’ils firent venir à New York pour des essais jugés sensationnels. Alors qu’elle n’a pas eu la moindre formation dramatique, elle est retenue au milieu de centaines de petites filles. Nominée pour l’Oscar du Meilleur second rôle féminin, c’est la jeune Patty Duke pour Miracle en Alabama (Arthur Penn) qui obtînt la statuette. L’année suivante elle apparaît dans un épisode de la Quatrième Dimension et est la sœur de Natalie Wood dans Propriété Interdite (Sydney Pollack 1966). Malgré ce début de carrière, Mary met de côté le cinéma. Contrairement à son frère John Badham, réalisateur de plusieurs films à succès : La Fièvre du Samedi soir (1977), Wargames et Tonnerre de Feu (1983). Amie avec Gregory Peck, ils se voyaient régulièrement et elle continua de l’appeler : Atticus.

PHILIP ALFORD (Jem)

Comme Mary Badham, Philip Alford est originaire de l’Alabama. Il est né le 11 septembre 1948 à Gadsen et sa petite sœur, Eugénia obtient elle aussi un tout petit rôle dans Du silence et des ombres. Il possède déjà une courte expérience théâtrale et a participé à plusieurs pièces en amateur, au théâtre de Birmingham, notamment dans Le Roi et Moi. C’est le directeur de la troupe qui le recommande au producteur Alan J. Pakula. Les chroniqueurs d’Hollywood feront remarquer la similitude de carrière de Philip Alford avec celle de Claude Jarman Junior, choisi dans les mêmes conditions pour être le fils de Gregory Peck dans Jody et le Faon (Clarence Brown 1946). Excepté quelques apparitions télévisées, il ne tourne qu’un seul autre film, Les Prairies de l’honneur (Andrew V. McLaglen 1965) western où il est cette fois, le fils de James Stewart.
  • Gregory Peck, John Megna, Philip Alford et Mary Badham
  • Mary Badham (Scout), Mary Badham (Scout), Phillip Alford (Jem)

ROBERT DUVALL (Boo Radley)

Robert Duvall est né le 5 janvier 1931 à San Diego, en Californie, dans une famille de militaires. En 1955, après deux ans de service dans l’armée, il entre dans la troupe du Neighborhood Playhouse de New York. Comme Gregory Peck, c’est Sanford Meisner qui découvre son potentiel et l’engage dans la pièce de Tennessee Williams, Camino Real. En 1958, Robert Duvall fait une rencontre capitale pour sa carrière : le dramaturge Horton Foote. Il joue l’un des personnages dans sa pièce, The Midnight Caller et cinq ans plus tard, c’est Foote qui lui permettra de décrocher son premier rôle au cinéma, celui du mystérieux Boo Radley, dans son adaptation de To Kill a Mockingbird. Personnage dont tout le monde parle, il fait une courte apparition dans les dernières minutes du film, mais à l’instar des autres débutants (Mary Badham et Philip Alford), Robert Duvall après cette première expérience ne quittera plus les plateaux de cinéma et connaîtra une brillante carrière.

  • R. Duvall (Boo Radley) et M. Badham (Scout)
Dans les années 60 et 70, il enchaîne film sur film : La Poursuite impitoyable (Arthur Penn 1966, d’après la pièce de Horton Foote), Bullitt (Peter Yates 1968), Les Gens de la pluie (1969) première collaboration avec Francis Ford Coppola, Cent Dollars pour un shériff (Henry Hathaway 1969)
M.A.S.H. (Robert Altman 1970) et THX 1138 (George Lucas 1970). Il est nommé deux fois à l’Oscar du meilleur second rôle pour Le Parrain (1972) et Apocalypse Now (1979) de Francis Ford Coppola qu’il retrouve pour Le Parrain 2e Partie et Conversation Secrète (1974). Pendant cette période, il croise à nouveau Horton Foote qui adapte Faulkner pour Tomorrow (Joseph Anthony 1972) et qui lui écrit un scénario original, Tender Mercies (Bruce Beresford 1983) pour lequel ils remportent un Oscar chacun. Comédien depuis cinquante ans, Robert Duvall est aussi le scénariste-producteur-réalisateur et interprète de trois fictions : Angelo my love (1983), Le Prédicateur (1997) et Assassination Tango (2002), et l’auteur d’un documentaire : We’re Not the Jet Set (1977). Vu récemment dans l’adaptation de La Route d’après Cormac MacCarthy, il devrait avec Terry Gilliam, participer à l’adaptation d’un classique mondiale de la littérature : Don Quichote.

HENRY BUMSTEAD DÉCORATEUR DE HITCHCOCK À EASTWOOD

« Quand To Kill a Mockingbird fut projeté, j’ai reçu plusieurs appels de chefs décorateurs travaillant pour d’autres studios qui voulaient savoir dans quel endroit d’Alabama nous avions tourné le film. Tout naturellement, j’ai répondu que tout avait été tourné sur les terrains d’extérieurs du studio. Ce à quoi ils répliquaient en riant : « Allez Bummy ! En vrai ! Où çà ? » C’est alors que j’ai commencé à réaliser que nous avions fait du bon boulot. »
La carrière de Henry Bumstead s’étend sur plus de 50 ans, art director puis production designer américain, il est le décorateur de plus d’une centaine de films hollywoodiens et lauréat de deux oscars pour Du silence et des ombres et pour L’Arnaque (George Roy Hill 1973).

  • 2 Illustrations de préparation pour élaborer les décors de Maycomb / Affiche célébrant les 3 Oscars remportés par le film
Pour Du silence et des ombres, Henry Bumstead a effectué des repérages en Alabama, en compagnie de l’auteur Harper Lee, à Monroeville qui lui avait servi d’inspiration pour imaginer la ville de son roman. A partir des plans préparés par Bumstead pour les décors de la rue principale, son assistant, Dale Hennessey a réalisé les illustrations ci-dessus. Avec les photos de repérages des vrais décors et ces croquis, le chef décorateur Henry Bumstead a supervisé la construction de toute une ville. Un village typique du Sud des Etats-Unis a été entièrement construit dans les studios d’extérieurs d’Universal. Le plateau réunissait plus d’une trentaine de bâtiments et se divisait en deux parties : une rue résidentielle (avec la maison des Finch, des Radley, de Miss Dubose, etc.) et un centre ville, le « downtown » avec ses commerces, le square et le tribunal. Lloyd Henry Bumstead est né le 17 mars 1915 en Californie à Ontario. Il étudie l’architecture et les beaux-arts à l’Université de Californie du Sud (U.S.C.) et se voit proposer de travailler au service décoration de la RKO, à la fin de sa seconde année. Il entre aux studios Paramount recruté par le responsable du service décoration, Hans Dreier (arrivé à Hollywood au début des années 30 en compagnie de Lang, Lubitsch, Von Sternberg et Marlene Dietrich, tous émigrés en provenance des studios UFA de Berlin). Il travaille sept ans à ses côtés avant d’être promu directeur artistique sur le film Saïgon (Leslie Fenton 1948).
De ses années d’apprentissage, il avoue avoir retenu deux leçons très importantes pour sa carrière. « La scène d’ouverture de Saïgon prenait place dans un bar du front de mer. Je m’étais rendu au service documentation de la Paramount, où l’on pouvait alors trouver des photos d’absolument tout… sauf celles de l’intérieur d’un bar de Saïgon ! J’ai fait appel à mon imagination, j’ai dessiné le bar avec des volets, des ventilateurs et une porte de type saloon. À l’extérieur, j’optais pour la silhouette d’un navire (nous avons utilisé du cellophane pour simuler la mer) sur un fond peint représentant Saïgon, telle que je l’imaginais. Tout le monde semblait satisfait du résultat à l’exception d’un homme venu m’expliquer qu’il n’avait jamais vu un tel bar à Saïgon. Je suis reparti le moral à zéro dans mon bureau et Hans Dreier m’interrogea sur ce qui me tracassait. Il me conseilla de retrouver ce conseiller technique et de lui demander s’il avait visité tous les bars de Saïgon et que s’il me répondrait non, alors à mon tour, je pourrais lui répondre qu’il avait raté celuilà. La deuxième leçon que j’ai pu retenir grâce à Hans me fût donnée sur le tournage d’un film dans lequel je devais reproduire l’appartement d’un type. A cours d’argent, j’avais décidé de le meubler à partir d’éléments déjà en stock : trois superbes bibliothèques. En inspectant le décor, Hans me dit : « Le propriétaire de cet appartement est un homme très cultivé n’est-ce pas ? » J’ai alors réalisé que cet homme n’était absolument pas cultivé et ne lisait sans doute jamais. C’est ce que Hans voulait me faire comprendre. Depuis je réfléchis d’abord au personnage avant d’entamer ma réflexion sur le décor. Chaque décor doit correspondre au personnage et lui aller comme un costume.
Ses longues collaborations au sein des studios Paramount (1937 à 1960) puis Universal (de 1961 à 1983) permettent à Henry Bumstead d’aborder tous les domaines de la décoration et ce dans tous les genres cinématographiques (films de guerre, westerns, suspense, comédies musicales et films noirs). Il travaille aux côtés des plus grands réalisateurs. Entre autres : Mitchell Leisen (Chaines du destin 1950), Anthony Mann (Les Furies 1950), Nicholas Ray (A l’Ombre des potences 1954), Mark Robson (Les Ponts de Toko-Ri 1954), Frank Tashlin (Un Vrai cinglé de cinéma 1956), Michael Curtiz (Le Roi des vagabonds 1956 et Le Bourreau du Nevada 1959), Franklin J. Schaffner (Le Seigneur de la guerre 1965) Abraham Polonsky (Willie Boy 1969), Billy Wilder (Spéciale Première 1974), Paul Newman (L’Affrontement 1983) ou Martin Scorsese (Les Nerfs à vif 1991). Il entretient des relations privilégiées avec certains d’entre eux. Alfred Hitchcock fait appel à Henry Bumstead quatre fois pour L’homme qui en savait trop (1954), Sueurs Froides (1958 qui lui vaut sa première nomination à l’Oscar), L’Étau (1969) et Complot de famille (1976).
Pour Sueurs Froides, j’ai fait de James Stewart ancien flic sans doute pas très attiré par la lecture, un philatéliste. J’ai disposé sur une table dans son salon des magazines sur la philatélie, une loupe et tout l’équipement du parfait amateur de timbres. C’était le genre de détails que Hitchcock affectionnait tout particulièrement. »
En arrivant chez Universal, il participe à quatre films de Robert Mulligan : deux comédies, Le Roi des imposteurs (1961), Le Rendez-vous de septembre (1961), un film d’aventures exotiques L’homme de Bornéo (1962) et Du silence et des ombres (1962). Il le retrouve quelques années plus tard pour Même heure l’année prochaine (1978) une adaptation théâtrale. Dans les années 70, Henry Bumstead devient le décorateur attitré de George Roy Hill et travaille avec lui à huit reprises : Abattoir 5 (1972), L’Arnaque (1973), La Kermesse des aigles (1975), La Castagne (1977), I Love you, je t’aime (1979), Le Monde selon Garp (1982), La Petite fille au tambour (1984) et Funny Farm (1988). Rencontré en 1972, sur le plateau de Joe Kidd (John Sturges), Clint Eastwood se souvient de lui pour signer les décors de L’Homme des hautes plaines (1973). Après la retraite de George Roy Hill, Bumstead est de nouveau disponible pour retravailler avec Clint Eastwood. Il participera ensuite à presque toutes ses réalisations : Impitoyable (1991 lui vaut sa dernière nomination à l’Oscar), Un Monde parfait (1993), Les Pleins pouvoirs (1996), Minuit dans le jardin du Bien et du Mal (1997), Jugé Coupable (1999), Space Cowboys (2000), Créance de Sang (2002), Mystic River (2003) et Million Dollar Baby (2004). Agé de 91 ans il collabore une dernière fois avec Clint Eastwood pour son dyptique sur la guerre dans le Pacifique : La Mémoire de nos pères (2006) et Lettres d’Iwo Jima (2007). Mort le 24 mai 2006, peu avant la sortie des films en salles, Clint Eastwood dédiera La Mémoire de nos pères, à son ami : « Bummy ».

ELMER BERNSTEIN LE PREMIER COMPOSITEUR « STAR »

« J’ai mis du temps à choisir la musique pour Du silence et des ombres.
Ce morceau de piano qui évoque l’enfance m’est apparu en réfléchissant au scénario : il s’agissait
du monde des adultes vu par les yeux des enfants. L’idée d’un thème pianistique joué avec un seul
doigt venait justement de son caractère enfantin. Le reste de l’orchestration est venu de là :
l’accordéon, l’harmonica, l’orgue, les cloches, la boîte musicale sont liés à l’enfance. » Elmer Bernstein est né le 4 avril 1922 à New York, d'un père autrichien et d'une mère ukrainienne émigrés aux Etats-Unis. Attiré dès l'enfance par les arts, il commence les leçons de piano à neuf ans et décide vers douze ans qu’il veut faire carrière dans la musique. Remarqué par Aaron Copland, celui-ci le recommande au pianiste Israel Citkowitz pour parfaire son apprentissage, puis la composition avec Roger Sessions et Stefan Wolpe. C’est à l'université de New York, qu’il obtient une licence d'éducation musicale en 1942 et qu'il découvre la musique de film après la projection de Tous les biens de la terre de William Dieterle. « Je me suis retrouvé dans le cinéma par accident. Je faisais mon service dans l’armée de l’air pendant la seconde Guerre Mondiale et j’avais été assigné aux services spéciaux pour réaliser des programmes de

propagande. Ils voulaient une chanson folk pour chaque spectacle et j’avais été désigné d’office comme arrangeur. Un jour, le type qui était en charge des musiques de fond s’est absenté et je l’ai remplacé. Après la guerre, j’ai travaillé sur un spectacle musical à la radio tandis qu’un vieux copain de l’armée écrivait un livre. Il réussit à vendre les droits à Hollywood et m’avait vendu avec au producteur ! Je me suis retrouvé à Hollywood en 1950 pour composer la musique d’un film intitulé Le Héros du Samedi de David Miller. C’était mon premier film. Je pense que le système des studios de l’époque fonctionnait mieux que ce qu’on connaît aujourd’hui, en particulier pour les jeunes. En tant que débutant, il ne fallait pas espérer des films importants immédiatement, mais au moins, vous pouviez pénétrer au coeur du système et y apprendre le métier avec des géants comme Bernard Herrmann, Franz Waxman et Max Steiner. En 1952, j’ai enchaîné sur un autre film de David Miller, Le Masque arraché qui avait une bande originale plutôt inhabituelle pour l’époque. Elle reposait sur un solo d’instruments à vent ! La musique de film de l’époque était plutôt tournée vers le symphonique, avec de grands orchestres. La course-poursuite en voiture est accompagnée d’une pièce pour deux pianos et orchestre ce qui, une fois de plus, était peu coutumier de l’époque. Le piano était alors considéré comme un instrument de salon. Toutes ces innovations avaient fini par attirer l’attention. A l’occasion d’une projection, nous avions invité John Green de la MGM, Roy Piesta responsable de la musique à la Paramount et Igor Preminger, un agent bien en place qui était aussi le frère d’Otto… Trois ans plus tard, tandis qu’Otto travaillait à la réalisation de L’Homme au bras d’or, Igor s’est souvenu de la musique du Masque arraché et a suggéré à son frère de me rencontrer » Elmer Bernstein fait à nouveau un choix original : un orchestre de jazz plutôt qu’un orchestre symphonique plus adéquat au personnage principal de junkie qui veut devenir batteur de jazz à Chicago (Frank Sinatra). Dans L’Homme au bras d’or (1955) le jazz est la colonne vertébrale de la musique du film plus encore que pour le précurseur, Un tramway nommé Désir (1951) et sa partition composée par Alex North. Shorty Rogers assemble un big band avec Shelly Manner à la batterie et arrange les séquences jazz avec Bernstein. Pour la première fois dans l’industrie du disque, la musique du film de Preminger, toute sa partition devient un hit, alors qu’auparavant c’était le cas d’une partie du score : le thème d’Autant en emporte le vent ou la chanson du Train sifflera trois fois (1952). Dans un long entretien accordé à Michel Ciment en juillet 1988 (publié dans Positif n°390 de juillet-août 1993) Elmer Bernstein ajoute : « Ce fut très gratifiant pour moi, mais cela a créé une mode que je trouve très dommageable, encourageant le producteur à commander des musiques pour qu’elles soient des succès autonomes, et cela a fini par nuire à la musique de film en général .
Une partition pour le cinéma doit faire corps avec l’histoire – c’était le cas dans L’Homme au bras d’or - elle doit avoir une raison profonde pour se trouver là. Depuis quelque temps, on plaque des musiques populaires sur des films sans nécessité réelle ».
  • Pochette disque L’Homme au bras d’or
Pour le film suivant, Les Dix Commandements (1956), Bernstein est engagé à la semaine par Cecil B.De Mille d’abord pour la composition spécifique d’un morceau, « la danse de l’Egyptienne » puis pour seconder Victor Young, gravement malade (collaborateur habituel de De Mille depuis 1940 pour Les Tuniques Écarlates). Ce péplum, superproduction au budget de 14 millions de dollars met à sa disposition 75 000 dollars rien que pour les recherches musicales. Bernstein liste et fait venir des instruments égyptiens de l’époque (flûtes, harpes et diverses percussions), voit comment ils sonnent et se met à concevoir la musique. Selon une conception très « wagnerienne » de De Mille, il compose des thèmes pour chaque personnage, qu’il lui joue d’abord au piano. Jeune débutant de 34 ans, Bernstein finit le film à la place de Victor Young et relève ainsi le défi d’un premier projet majeur qui va l’imposer définitivement à Hollywood. Il compose ensuite une série de films dirigés par Robert Mulligan et produits par Alan Pakula. Projets qu’il suit de l’écriture du scénario au montage final : Prisonnier de la peur (1957), Les Pièges de Broadway (1960), Du silence et des ombres (1962), Une Certaine rencontre (1963) et Le Sillage de la violence (1964).
  • Générique Du silence et des ombres
  • Pochette disque Les Sept mercenaires
« J’avais une amitié profonde avec Alan Pakula que j’avais connu longtemps auparavant, lorsqu’il était « junior executive » à la Paramount. C’est à cause de ce caractère personnel de nos rapports que j’ai eu davantage de contacts avec lui qu’avec Mulligan, pour la musique de leurs films. Mais ils travaillaient très étroitement ensemble et nous avons eu énormement de séances de travail à trois. Nous avons passé beaucoup de temps à réfléchir et à parler de ce que nous voulions pour ces films. Bob et Alan étaient extrêmement sensibles à la musique, et dans toute ma carrière, ce fût sans doute le rapport professionnel le plus satisfaisant que j’ai eu. Pour Une Certaine rencontre, dont la musique se rapprochait du jazz et qui évoquait un musicien, j’ai sans doute écrit ma meilleure chanson, sur des paroles de Johnny Mercer et interprétées par Jack Jones ». La musique country et western utilisée pour Le Sillage de la violence colle au personnage de Steve McQueen, chanteur guitariste. Le jazz pour Les Pièges de Broadway, s’explique encore par l’histoire du personnage joué par Tony Curtis qui veut devenir saxophoniste à New York. Le cadre de l’action détermine ainsi l’utilisation du jazz. Comme pour La Rue chaude (Edward Dmytryk 1962) et On n’achète pas les silence (William Wyler 1970) où l’histoire se déroule dans le Sud (pays des Noirs et berceau du jazz). Pour Le Grand chantage (Alexander Mackendrick 1957) l’énergie du jazz et son élan expriment à merveille la frénésie de la presse et de New York.
Pendant cinquante ans, celui qu’on surnomme « Bernstein West » (par opposition au « Bernstein East » : Leonard Bernstein) signera plus de 200 musiques de film. Travaillant avec les réalisateurs les plus divers et les plus prestigieux et s’illustrant dans tous les genres cinématographiques hollywoodiens. D’Anthony Mann (Cote 465 1956, Du Sang dans le désert 1957 et Le Petit Arpent du bon Dieu 1958) à Vincente Minnelli (Comme un torrent 1958) en passant par John Sturges (Les Sept mercenaires 1960, La Grande évasion 1963, Sur la piste de la grande caravane 1965 et Un Silencieux au bout du canon 1974) et Henry Hathaway (Les Quatre fils de Katie Edler 1965 et Cent Dollars pour un shérif 1969). De John Ford (Frontière Chinoise 1965) et Sidney Pollack (Les Chasseurs de scalps 1967) à Don Siegel (Le dernier des géants, 1976) en passant par John Frankenheimer (Le Prisonnier d'Alcatraz 1962 et Les Parachutistes arrivent 1969) et George Roy Hill (Deux copines, un séducteur 1964, Hawaï 1966, Millie 1967 et Funny Farm 1988).
Dans les années 70 et 80, Bernstein connaît une seconde vie dans sa carrière de compositeur en travaillant avec des réalisateurs de comédies (souvent plus jeunes que lui). David Zucker pour la série des Y-a-t-il un pilote dans l'avion? (1980), Ivan Reitman pour Arrête de ramer t’es sur le sable (1978), Les Bleus (1982), S.O.S. Fantômes (1984) et L’Affaire Chelsea Deardon (1986) et John Landis pour American College (1978), The Blues Brothers (1980), Le Loup garou de Londres (1981), Un Fauteuil pour deux (1983), Drôle d’espions (1985), Trois Amigos (1987), L’Embrouille est dans le sac (1990). Plus récemment, il collabore aussi avec Jim Sheridan pour My Left Foot (1989) et The Field (1990) ; Stephen Frears pour Les Arnaqueurs (1990) ; John MacNaughton pour Mad Dog and Glory (1992) ; Francis Ford Coppola pour L'Idéaliste (1997) ; Barry Sonnenfeld pour Wild Wild West (1999) ; Bill Duke (avec qui il revient aux sources de son écriture musicale à la fois jazz et dramatique) pour Rage in Harlem (1991), Les Veuves joyeuses (1993) et Les Seigneurs de Harlem (1997) et surtout Martin Scorsese, pour cinq films, La Couleur de l’argent (1986), Les Nerfs à vif (Cape Fear 1991), Le Temps de l’innocence (1993), A tombeau ouvert (1999) et Gangs of New York (2002). Sa dernière composition Loin du paradis pour Todd Haynes en 2002 est aussi sa 14e et dernière nomination à l’Oscar.
  • Angie Dickinson et E. Bernstein
Il n’en reçut qu’un en 1968 pour la comédie de George Roy Hill avec Julie Andrews : Millie. Elmer Bernstein meurt dans son sommeil, le 18 août 2004, âgé de 84 ans dans son domicile californien d’Ojai.

DISCOGRAPHIE

- To Kill a Mockingbird par le Royal Scottish National Orchestra dirigé par le compositeur Elmer Bernstein (1997 - Varèse Sarabande Film Classics)

  • Pochettes Du silence et des ombres

LA PRESSE

HOMMAGE À GREGORY PECK
« Parmi les stars hollywoodiennes masculines, cinq demeurent de véritables emblèmes nationaux. Des acteurs dont la mythologie personnelle, enracinée dans l’idéologie du pays, conforte le spectateur dans son américanéité : Gary Cooper est toujours le pionnier imprégné d’innocence ; John Wayne, le bâtisseur d’empire forcené ; James Stewart et Henry Fonda, les idéalistes pourfendeurs de corruption ; Gregory Peck, le représentant intègre de tout corps institutionnel. Comme les stars se fixent dans la mémoire collective à travers un seul rôle (Fonda et Tom Joad dans Les Raisins de la colère), Gregory Peck restera pour les Américains l’Atticus Finch de Du silence et des ombres ». Extrait de « Le Juste d’Amérique de Michel Cieutat (Positif n°511 – septembre 2003)


LA PRESSE D’HIER
Certes, ce film est plus que jamais d’actualité, car ce qui était déjà peu pensable en 1932, l’est encore moins en 1963. Et pourtant … mais là ne réside point l’intérêt principal du Silence et des ombres, dont le sujet a été traité maintes fois par le cinéma américain. Ce qui en fait la valeur c’est la sobriété, la retenue, la finesse avec lesquelles toute l’histoire nous est contée. Les auteurs montrent les gens du Sud butés dans l’étroitesse de leurs conceptions racistes. Il est rare qu’outre Atlantique on produise un film aussi réaliste où on ne fait aucune concession aux charmes d’une grandiose mise en scène. Gregory Peck tient à lui seul l’écran pendant deux heures de projection. C’est un acteur remarquable, capable de tout interpréter avec une sensibilité et une justesse à laquelle nous devons rendre hommage. (L’Aurore - 31 mai 1963)


LA PRESSE D’AUJOURD’HUI
On parle toujours de ce drame de Robert Mulligan comme d’une belle œuvre antiraciste. Oui, l’histoire d’Atticus Finch, avocat dans une cambrousse d’Alabama en 1930, est cela. Pourtant l’émerveillement qu’elle suscite vient d’ailleurs : Mulligan a tout compris de Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, le seul, unique et superbe roman de Harper Lee, sur la perte de l’innocence. Atticus, veuf, élève seul son fils Jem et sa fille Scout. Le temps d’un procès, ces deux enfants vont faire l’expérience douloureuse du monde des adultes, qui comporte peu de figures aussi nobles que leur père. Atticus défend seul contre tous, un ouvrier noir accusé du viol d’une Blanche. Chez lui, il plaide pour que Jem et Scout cessent de fantasmer sur Boo, leur voisin invisible qui aime jouer avec les ciseaux… Pour Mulligan, l’enfance est un voyage de proximité : derrière la clôture, devant la maison où il faudra abattre un chien enragé, vers le tronc d’un arbre où de petits cadeaux sont déposés par une main anonyme. Pis encore : quand on revient de l’école par la forêt… Plus Jem et Scout découvrent la peur, plus l’obscurité et la cruauté encouragent leur courage, et plus on pense à La Nuit du chasseur. Même noir et blanc soyeux, même atmosphère tendue, même talent sidérant des deux jeunes interprètes. Gregory Peck (oscarisé pour ce rôle) fait d’Atticus Finch un tranquille et imprenable bastion d’humanité. Seul et sans arme dans le halo d’une lampe, il monte la garde. Comme la dernière lueur d’une espérance butée en un monde qui laissera en paix les enfants, les oiseaux et les « nègres ». Guillemette Odicino, Télérama (novembre 2009)


BIBLIOGRAPHIE

- Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur roman de Harper Lee - traduction actualisée, repères biographiques de l’auteur et postface d’Isabelle Hausser (Éd. Le Livre de Poche)

- Dossier Robert Mulligan et entretien de Michel Ciment (Positif n°146 - octobre 1972)

- « J’étais décidé à n’appartenir à personne autant que possible » Entretien avec Gregory Peck de Michel Ciment réalisé en septembre 1989 (Positif n°473-474 - juillet-août 2000)

- « Le juste d’Amérique » Hommage à Gregory Peck de Michel Cieutat (Positif n°511 de septembre 2003)

- Les Chefs décorateurs de Peter Ettedgui (Collection Les Métiers du cinéma , Éd. La Compagnie du Livre)

- Les Compositeurs de musique de Mark Russell et Victor Young (Collection Les Métiers du cinéma, Éd. par La Compagnie du Livre)

- « La compagne idéale du cinéma » Entretien avec Elmer Bernstein de Michel Ciment réalisé en juillet 1988 (Positif n°390 - juillet-août 1993)
  • Gregory Peck et Mary Badham

CRÉDITS ICONOGRAPHIQUES

Pour Du silence et des ombres (To Kill a Mockingbird) distribué dans les salles françaises par Lost Films Sources iconographiques & Remerciements : Universal, Hollywood Classics et La Cinémathèque Française.
  • Affiche et affichette créées par Grinsson pour la sortie française de 1963
Le visuel de l’affiche pour la réédition 2010 est une création réalisée par Adam David : www.adamdavid.net
Ce film est soutenu par les salles de cinéma adhérentes à
l’ASSOCIATION FRANÇAISE DES CINÉMAS D’ART ET D’ESSAI
12, rue Vauvenargues 75018 Paris - Tél. : 01 56 33 13 20 - Fax : 01 43 80 41 14
E-mail : afcae@art-et-essai.org
- Site : http://www.art-et-essai.org
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L’HISTOIRE

Maycomb (Alabama) 1932. Atticus Finch, avocat, élève seul ses deux enfants, Scout et Jem. Calpurnia, la gouvernante noire tient la maison.
Le petit Dill Harris, voisin de la famille Finch, est fasciné par les récits de Jem qui lui parle sans cesse de la « maison hantée » où habite leur mystérieux voisin Boo Radley. Un jour, Bob Ewell, un fermier ivrogne, accuse Tom Robinson, un ouvrier noir d’avoir tenté d’abuser de sa fille, Mayella. Atticus Finch va se charger de sa défense…

TO KILL A MOCKINGBIRD CULTE DE LA PAGE A L’ECRAN

LE ROMAN

Le film To Kill a Mockingbird (1962) de Robert Mulligan est d’abord un roman publié par Harper Lee en 1960. Originaire du Sud des États-Unis elle a la particularité d’être l’auteur d’un roman unique, ayant connu un très grand succès (comme Margaret Mitchell). Son roman a été traduit en 40 langues et s’est vendu à 30 millions d’exemplaires depuis sa première parution (un million continuent de se vendre par an). C’est un des livres les plus fréquemment étudiés dans les classes américaines et après la Bible, l’ouvrage le plus souvent cité comme ayant changé la vie de ses lecteurs. En 2003, le personnage d’avocat intègre et rigoureux incarné par Gregory Peck, Atticus Finch, arrive même en tête du classement des 100 plus grands héros de l’histoire du Cinéma établi par l’American Film Institute (devant Indiana Jones, James Bond ou Bogart dans Casablanca).

L’ADAPTATION AU CINÉMA

En 1961 Harper Lee reçoit le prix Pulitzer et l’année suivante, le jeune Alan J. Pakula décide de produire l’adaptation cinématographique du roman. Il confie la réalisation à Robert Mulligan et l’adaptation à Horton Foote. Il est d’abord question de tourner dans les décors naturels d’Alabama décrits dans le livre, mais Pakula doit se rendre à l’évidence : les petites villes américaines de 1962, avec leurs rues pavées, les antennes de télévision et les chaînes de magasin ne ressemblent plus à celles des années 30. Pour restituer Maycomb (la ville imaginée par Harper Lee d’après Monroeville, où elle a grandi) Henry Bumstead, le chef décorateur propose de tout construire dans les studios extérieurs d’Universal. Un village typique du Sud avec plus d’une trentaine de bâtiments, une rue résidentielle et un centre ville, « downtown » avec ses commerces, son square et le tribunal. La reconstitution est si réussie que Harper Lee, lors de sa visite sur le plateau, déclara : « Cette ville est tellement parfaite que les gens vont sûrement croire que vous avez tourné en extérieurs réels. » Pour incarner Atticus Finch, le studio pense d’abord employer Rock Hudson, déjà présent dans les deux derniers films de Mulligan produits aussi par Universal (Le rendez-vous de septembre et L’homme de Bornéo). Mais Pakula et Mulligan préfèrent envoyer le script à Gregory Peck, qui enthousiaste, accepte le rôle. Il rencontre Amasa Lee (père de la romancière qui a inspiré le personnage) et lui emprunte plusieurs tics dans son interprétation qui est couronnée d’un oscar. Après son succès américain en salles et plusieurs récompenses (Golden Globe et trois oscars), To Kill a Mockingbird arrive en France sous le titre Du silence et des ombres pour représenter les États-Unis au Festival de Cannes 1963. Il obtient le Prix Gary Cooper et la palme d’or revient au Guépard de Luchino Visconti.

LA lÉGENDE DE L'OISEAU MOQUEUR

Le titre énigmatique original fait référence au proverbe américain : « It’s a sin to kill a mockingbird » (c’est un péché de tuer un oiseau moqueur). Selon la légende, l’oiseau moqueur (très répandu en Amérique et symbole des états du Sud où se déroule l’action) aurait appris aux autres oiseaux à chanter. Atticus Finch raconte qu’enfant pour s’entraîner à la carabine, il tirait sur des bouteilles vides plutôt que sur des oiseaux, car c’est un péché de tuer un oiseau moqueur. « Il ne fait que chanter pour notre plus grand plaisir » et se retrouve sans défense face aux hommes. Le roman et le film reprennent cette métaphore. La jeune Scout va découvrir le monde hypocrite, violent, raciste ou injuste des adultes capables de blesser d’autres oiseaux moqueurs : le pauvre reclus Boo Radley ou l’innocent et noir, Tom Robinson.

UNE CAUSE UNIVERSELLE

Raconté du point de vue des enfants d’Atticus, Du silence et des ombres derrière sa peinture mélancolique de l’enfance est aussi un pamphlet contre l’intolérance et aborde le racisme aux Etats-Unis de façon plus réaliste que La porte s’ouvre (Mankiewicz 1950), Graine de violence (Brooks 1955) ou La chaîne (Kramer 1958). Sorti au début des années 60, en plein mouvement pour les Civil Rights et au moment des rassemblements pacifiques autour de Martin Luther King, le film dénonce les préjugés, le racisme et la ségrégation raciale qui était d’autant plus présente dans le Sud 30 ans auparavant.

L’AUTEUR DU ROMAN

Malgré l’immense succès de son roman Harper Lee disparaît de la scène littéraire américaine en 1964 et le second roman qu’elle annonçait n’a jamais été publié. Ses relations avec son ami d’enfance, Truman Capote, qu’elle avait accompagné pour l’assister dans son long travail d’enquête sur ce qui deviendra De Sang froid (1966), ont récemment fait l’objet d’un film : Capote (Bennett Miller 2005) avec Philip Seymour Hoffman. À 84 ans, elle vit toujours partagée entre New York et Monroeville.

SOUVENIRS D’EQUIPE

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« To Kill a Mockingbird était un livre magnifique et j’ai beaucoup travaillé sur l’adaptation avec Horton Foote. Je suppose que c’est toute la littérature sudiste qui m’a rapproché de ce pays. Je me sentais capable de traiter le sujet car une petite ville est une petite ville, qu’elle soit au nord ou au sud. J’ai passé un certain temps dans le Sud à préparer le film. J’écoutais Horton Foote, me raconter des histoires sur son enfance au Texas. C’est devenu peu à peu un film très personnel. »

(Robert Mulligan)
« Quand To Kill a Mockingbird fut projeté, j’ai reçu plusieurs appels de chefs décorateurs travaillant pour d’autres studios qui voulaient savoir dans quel endroit d’Alabama nous avions tourné le film. Tout naturellement, j’ai répondu que tout avait été tourné sur les terrains d’extérieurs du studio. Ce à quoi ils répliquaient en riant : « Allez Bummy ! En vrai ! Où çà ? » C’est alors que j’ai commencé à réaliser que nous avions fait du bon boulot. »

(Henry Bumstead, décorateur)
« J’ai mis du temps à choisir la musique pour Du silence et des ombres. Ce morceau de piano qui évoque l’enfance m’est apparu en réfléchissant au scénario : il s’agissait du monde des adultes vu par les yeux des enfants. L’idée d’un thème pianistique joué avec un seul doigt venait justement de son caractère enfantin. Le reste de l’orchestration est venu de là : l’accordéon, l’harmonica, l’orgue, les cloches et la boîte musicale sont liés à l’enfance. »

(Elmer Bernstein, compositeur)
« Je ne connaissais pas ces deux jeunes gens (Mulligan et Pakula) mais j’avais vu un film qui était bien fait sur un joueur de base-ball (Prisonnier de la peur). Je les ai appelés en leur disant : « Dites-moi quand je dois commencer j’adorerais jouer ce rôle. » J’ai trouvé que ce roman était bien écrit, sans tenir compte qu’il avait reçu le prix Pulitzer. J’ai senti que je pouvais m’identifier à ce personnage, sans stress et sans effort que je pouvais entrer dans ses chaussures sans avoir à faire l’acteur. J’ai senti que je connaissais bien ces deux enfants. Ma propre enfance fut comme la leur, c’était dans le sud de la Californie aussi dans une petite ville où l’on se baladait l’été pieds nus et où l’on jouait dans des cabanes en bois suspendues dans les arbres et où l’on déboulait au milieu de la rue, à l’intérieur d’un vieux pneu. »

« Le premier jour de tournage, j’ai vu Harper Lee du coin de l’oeil et j‘ai remarqué un certain scintillement sur ses joues. Une pensée a traversé mon esprit au beau milieu de la scène. On doit être absolument sublime, on lui déchire le coeur. Je suis allé la voir m’attendant à ce qu’elle me dise combien nous étions merveilleux. Et elle m’a dit : « Oh Gregory vous avez une petite bedaine tout comme mon papa ! » Et ça, c’est ce qu’elle pensait être le plus beau compliment à me faire. » « Du silence et des ombres est le titre le plus souvent cité aux États-Unis quand on parle de moi. On y apprend ce qu’étaient les préjugés raciaux dans le Sud profond, en Alabama, dans les années 20 et 30. On comprend que le lynchage était tragiquement courant et qu’un noir n’était pratiquement jamais acquitté pour un viol, même s’il n’avait pas eu lieu. Mon personnage représente pour les spectateurs un exemple d’intégrité et d’honnêteté. Pour beaucoup, il apparaît comme une version idéalisée du citoyen américain, et pour les jeunes, comme un père qui sait parler à ses enfants en adultes et les traiter avec respect … Robert Mulligan est un de mes metteurs en scène favoris. Moitié irlandais, moitié californien, ce qui n’est pas très répandu pour un adepte de la Méthode, mais il savait l’utiliser au mieux. Il a un esprit très pénétrant et sait comprendre les acteurs et les aider ».

(Gregory Peck)

LE GROUPE RÉPERTOIRE/PATRIMOINE DE L’AFCAE AIME
ET SOUTIENT DU SILENCE ET DES OMBRES

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Prenez un livre magnifique « Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur » de Harper Lee, un cinéaste de talent plutôt méconnu à redécouvrir, Robert Mulligan, et un acteur oscarisé pour le rôle, Gregory Peck ; vous obtenez un film formidable plein d’humanité. Robert Mulligan déjoue les pièges de la facilité dues aux thèmes : l’injustice, le racisme…et nous captive avec intelligence et sensibilité en entremêlant le monde souvent fantasque des enfants (on pense à « La nuit du chasseur ») et celui parfois si rude des adultes. Un bonheur de spectateur ! Marc Van Maele, Cinéma Les Alizés à Bron (69)

ROBERT MULLIGAN (1925 – 2008)

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Né en 1925 à New York, Robert Mulligan interrompt son séminaire pour s’engager comme radio dans la Marine pendant la guerre. Démobilisé, il s’inscrit en littérature et journalisme à l’université puis rentre comme coursier aux studios de CBS et franchit tous les échelons. De 1952 à 1960 il réalise des centaines de dramatiques télé au milieu d’autres débutants (Schaffner, Penn, Lumet ou Frankenheimer) et dirige de jeunes acteurs prometteurs (McQueen, Lemmon, Newman ou Poitier).

Alan J. Pakula (1928-1998) producteur débutant à la Paramount lui propose son premier long-métrage : Prisonnier de la peur (1957) avec Anthony Perkins, en joueur de base-ball névrotique écrasé par son père (Karl Malden). Simple succès critique, Paramount lui offre une nouvelle chance avec Les pièges de Broadway (1960).
Elmer Bernstein signe la musique du film dans lequel Tony Curtis joue un saxophoniste de province perdu dans New York. Il le retrouve pour une autre comédie, Le roi des imposteurs (1961) en mythomane aux identités et aux métiers multiples. Suivent trois films pour Universal qui permettent à Mulligan de poursuivre son apprentissage du cinéma, Le rendez-vous de septembre (1961) une comédie romantique avec Rock Hudson et Gina Lollobrigida ;

L’homme de Bornéo (1962) un film d’aventures où Rock Hudson est médecin dans la jungle indonésienne et Du silence et des ombres (1962) l’adaptation du roman de Harper Lee To Kill a Mockingbird avec Gregory Peck. C’est le début d’une nouvelle collaboration avec Alan J. Pakula comme producteur. Une certaine rencontre (1963) réunit trois stars : Steve McQueen, Natalie Wood et New York dans une histoire d’amour originale autour de l’avortement et l’engagement amoureux. Le sillage de la violence (1964) présente encore Steve McQueen en antihéros, en chanteur raté sorti de prison incapable de se réadapter à sa vie de couple avec Lee Remick. Natalie Wood est Daisy Clover (1965), dans un conte fée cruel dénonçant l’envers du décor hollywoodien des années 30 (Christopher Plummer est un producteur possessif et le débutant Robert Redford une star adulée mais homosexuelle).
  •  
40 ans avant Entre Les murs, le film Escalier Interdit (1967) de Robert Mulligan propose une vision réaliste de l’école et des difficultés d’enseigner pour une jeune professeur de New York. Avec L'homme sauvage (1969) il signe un western mêlant suspense et fantastique : Gregory Peck protège une femme blanche et son enfant métis d’un père indien menaçant mais qu’on ne voit jamais. C’est la sixième et dernière collaboration avec son fidèle producteur et complice depuis Du silence et des ombres (1962) : Alan J. Pakula (il passe à son tour à la réalisation avec Pookie en 1969 puis Klute en 1971). Étrangement Robert Mulligan connaîtra son plus gros succès juste après son départ avec Un été 42 (1971).

AUTRES FILMS

The Pursuit of Happiness (1971)
L'Autre (1972)
Nickel Ride (1974)
Les chaînes du sang (1978)
Même heure, l'année prochaine (1978)
Kiss Me Goodbye (1982)
Clara's Heart (1988)
Un été en Louisiane (1991)

FICHE TECHNIQUE

Produit par Alan J.Pakula et Robert Mulligan Brentwood Productions d’après le roman Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur , roman de Harper Lee (Le Livre de Poche)

Scénario et adaptation Horton Foote
Directeur de la photographie Russell Harlan
Directeur artistique Henry Bumstead
Musique Elmer Bernstein

INTERPRETATION

Atticus Finch Gregory Peck
Scout Finch Mary Badham
Jem Finch Phillip Alford
Dill Harris John Megna
Le Sheriff Tate Frank Overton
Calpurnia Estelle Evans
Tom Robinson Brock Peters
Boo Radley Robert Duvall

DU SILENCE ET DES OMBRES

(TO KILL A MOCKINGBIRD)

de Robert Mulligan USA - 1962 - 2h09 - Noir et Blanc - visa n° 27104
3 Oscars : meilleur acteur (Gregory Peck), adaptation et meilleur décor
Prix Gary Cooper au Festival de Cannes 1963

DISTRIBUTION : LOST FILMS
www.lostfilmsdistribution.com - lostfilmsdistribution@yahoo.fr
Réédition copies neuves (Inédit en salles depuis 1963)


Sortie le 7 juillet 2010

AFCAE

Créée en 1955 par des directeurs de salles et des critiques, l'Association Française des Cinémas d'Art et d'Essai (A.F.C.A.E.) a obtenu un statut officiel en 1959 grâce à André Malraux, alors Ministre de la Culture. Comptant à ses débuts 5 salles adhérentes, elle regroupe, en 2009, plus de 1000 établissements représentant près de 2050 écrans. Les salles de cinéma adhérentes à l’AFCAE ont choisi de défendre le cinéma des auteurs en leur consacrant une large part dans leur programmation. Leurs écrans sont des fenêtres ouvertes sur le monde et leurs salles des espaces d’expression et de liberté. Chaque année, les salles Art et Essai soutiennent des films parce qu’il leur semble indispensable :
• de découvrir de nouveaux talents,
• de suivre en toute fidélité des auteurs importants,
• de favoriser les cinématographies de tous les continents.
Ainsi, dans un esprit de responsabilité publique, les salles de cinéma Art et Essai ont soutenu DU SILENCE ET DES OMBRES, pour qu’une rencontre puisse avoir lieu entre ce film et vous, dans votre salle de proximité.


Ce document vous est offert par l’Association Française des Cinémas d’Art et d’Essai, 12, rue Vauvenargues 75018 PARIS
Téléphone : 01 56 33 13 20
Fax : 01 43 80 41 14 - Adresse
E-mail : afcae@art-et-essai.org
Site : http://www.art-et-essai.org
et par les salles adhérentes à l’Association.
  •  


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Revue de presse Du silence et des ombres


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POSITIF n°592 Du Silence_et_des Ombres


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